Carnet d'un fantôme


Avertissement
Cet exemplaire retrace les premiers battements d'ailes avant la chute, il est donc possible de le lire en regar- dant le ciel. À l'issue de cette lecture, il se peut que vous vous sentiez pousser des ailes. Il vous reviendra alors de poursuivre l'écriture de ce carnet et d’ainsi prendre votre propre envol.

Risques d'allergies
Peut contenir des traces de poésies, de pensées et d'humanité.
Copie épurée des carnets originaux et certifiée sans traces de sang, de sueur et de larmes.

Avertissement aux lecteurs
Nous, personnages de tous temps et tous genres, revendiquons notre statut de fantôme. Nous nous désolidarisons de nos auteurs qui nous créent à des fins de prétextes à leurs névroses. Nous revendiquons notre éternité et notre indépendance au-delà de toutes cri- tiques littéraires qui n'ont que faire de notre avis. Auteurs, ayez peur de vos propres fantômes car nous survivrons à tous vos secrets et mensonges, nous ne représentons que nous-mêmes dans le silence des bibliothèques et l'imaginaire de vos lecteurs que nous infiltrons au gré de leur lecture, unique passerelle entre vos âmes.

Face au miroir, je pensais me voir, je n'y voyais que le fantôme de mon personnage me souriant cyniquement.
Un personnage de f iction est comme un fantô- me qui s'adresse à l'auteur. Il est son miroir, un personnage n'est pas l'auteur, il n'en est pas moins un prétexte à ses névroses.
30/04/14

Mots de rien

Envie d'écrire et n'avoir rien à dire, voilà la souf- france de l'écrivain.
Je n'aime pas écrire. Cela revient à introduire une main dans le crâne, l'autre dans la poitrine. Malaxer le cerveau et le cœur, voilà bien la dou- leur. C'est être présent à une fête, et se contrain- dre à sourire. Ce degré de bonheur aboutit tou- jours à un degré de souffrance équidistant. Je fuis l'écriture comme la foule. J'ai une grande méf ian- ce des mots. Surtout ceux aussi inutiles et répéti- tifs que moi. Pouvoir terrible et intransigeant à l'écrit : l'esprit des Lois… Je ne suis pas de ce monde, ne parle pas le même langage. Je me suis trompé d'époque. À la poursuite de fantômes, ancêtres de mes souvenirs vivants qui me harcè- lent. Invisibles pour tous, depuis ma naissance je ne vois qu'eux. Ils m'ont pourtant appris l'inspira- tion, celle-là seule qui me console : mots de grâ- ces et de vertus. Enf in seul à ma table, rassuré par le grattement de la plume sur le papier, je me lais- se aller. Hypnotisé par le chant des mots et la nécessité d'écrire pour m'évader d'un quotidien incompris et si éloigné de mes souvenirs d'origi- ne. Mots de rien, mots de paix avec moi-même, toutes drogues étant inutiles. Je suis né bien trop tard, cette projection dans le futur ne m'a rien appris, sinon la consternation de la race cynique, la race humaine ! Me voilà bien inutile, il est temps pour moi de prendre congé. Mais pas avant d'avoir suff isamment emmerdé par ma seule pré- sence et mon inertie ce monde de rentabilité et de calcul. Pas avant d'avoir saisi le mode d'emploi pour être heureux et essayer de l'être avec mes proches. Alors enf in je partirai, dans le monde de


l'ombre d'où je viens et où je vais. Monde que je frôle chaque jour que le besoin d'écrire se fait res- sentir. Oui, le futur nous ment !
07/02/14

Les fantômes existent en tant que fantômes. Ce ne sont après tout que des hommes dénudés de leur enveloppe physique…
27/12/04

L'inspiration provient du sommeil. Le sommeil est la porte d'un monde parallèle. En ce monde, inutile d'avoir peur de son propre fantôme. Car celui-là même se gonfle de rêves et agite dès le lendemain la main nerveuse cherchant le réveil et la plume.
12/01/07

À force de claques reçues dans la vie profession- nelle, beaucoup ont appris à ruser, c'est-à-dire à penser la même chose mais en fermant leur gueu- le af in d'éviter ces éternels dialogues de sourds ne menant à rien sinon à des procès ou coups de poing imminents. Seul moyen de se faire appré- cier de ses collègues et supérieurs : ne plus s'éner- ver, bref, rester un fantôme…

Jouer aux échecs contre un ordinateur c'est jouer contre soi-même, c'est-à-dire contre son fantôme.
Septembre 2008

"Je suis transparent !" En voilà une jolie parole d'homme politique ! Si transparents qu'ils sont invisibles dans leurs actions. Oui, les hommes politiques aussi ont le pouvoir d'être des fantô- mes.
16 octobre 2008

Pourquoi j'écris ? Parce que c'est en moi, je porte ce gène ou ce virus en moi ; je vis avec comme d'autres vivent avec "un talent" ou un cancer. Parce qu'une petite voix m'y force, un double, mon fantôme qui apparaît dans le regard, la ges- tuelle de mon ombre, seule véritable trace de mon existence.
16 octobre 2008

Entre deux battements de cœur, je suis mort, je ressens la foi, la pureté, le plaisir d'être un fantô- me.
10/05/09

Septembre 2008

Plus de six cents nouveaux livres à chaque nou- velle rentrée littéraire, est-ce élargir le fossé entre l'élite et les délaissés de l'Éducation nationale ou est-ce la culture de masse qui étouffera d'off ice ce chiffre ?
Qui mène la danse dans notre société ? "Les bourrins" qui n'ont que faire de nos derniers intellectuels et de notre patrimoine culturel ou ces six cents auteurs sitôt invisibles dans nos mémoires ?
Dans quelle catégorie me situer : les 20 ou les 80%?
Septembre 2008

Le vrai secret pour devenir un fantôme est que je reste aussi indifférent à l'appât du gain qu'à mon invisibilité en ce monde. Partant du princi- pe que je peux crever aujourd'hui ou dans un an, quel intérêt à perdre tant d'énergie à se hisser vers un imaginaire carton-pâte ? J'ai dépassé la lutte des classes car devenir l'esclave du patronat est un truc qui m'indiffère superbement. Pourquoi ? Parce que je suis plus préoccupé par ce qu'il me reste à faire sur terre maintenant que je suis deve- nu ce "navire en flammes qui s'éloigne sous un ciel de mille feux".
Ma fonction poétique étant remplie, mon devoir envers la poésie étant accompli, que faire ? Supporter le reste du monde ?


(Ce n'est pas vantardise que d'écrire cela. Le badaud qui croirait cela, je l'invite à passer son chemin en retournant vers ses écrans de télévi- sion ou d'ordinateur car il s'agit là d'une conver- sation sérieuse entre fantômes, c'est-à-dire entre ex-adolescents ayant produit leur meilleur jus créatif.)
Que nous reste-t-il à faire, hormis errer parmi vous sans que vous sachiez tout l'honneur qu'il vous est donné de croiser des poètes, ces hommes et ces femmes sensibles à votre monde. Mais vous ne le savez pas car pour tous ceux qui n'ont pas encore franchi le pas du néant, il leur reste enco- re la délicatesse de supporter tout le poids de vos lieux communs.
22/08/09

J'ai fait le deuil de mes utopies. Rêver d'un monde meilleur, qui ne garderait que le meilleur de chaque parti politique, est une illusion de plus. Je ne suis une menace pour personne, je suis en paix avec moi-même. Et puisqu'il n'y a plus d'espoir, quel bonheur d'être un fantôme !
22/10/09

Nos amours perdus et jamais atteints sont d'atroces fantômes qui hantent nos nuits.
10/11/09

Dans le cimetière de mes souvenirs, existe un tombeau que j'affectionne particulièrement et j'aime à venir m'y asseoir pour méditer : ce tom- beau contient toutes mes pensées perdues à jamais. Et je connais la douleur d'être un fantôme assis sur le tombeau de ces phrases oubliées, sitôt mortes à la naissance, sitôt enterrées. Que de che- min parcouru pour parvenir ici ! Ces poèmes, ces idées, ces phrases, ces images uniques, magni- f iques sont autant de moment de pureté, de grâce qui eux seuls décident de venir à nous. Amertume de l'éphémère : les étoiles f ilantes traversent nos rêves qui s'évaporent dès que l'envie de les revi- vre nous traverse l'esprit. Trop libre et trop pur pour se salir à l'humanité, la fée de l'inspiration s'envole. Alors, tel Ulysse, parcourant ses rêves à la recherche de ses pensées, ce long voyage nous révèle combien une vie de sommeil sera toujours trop courte.
On se réveille, quelque chose a existé durant quelques secondes, autant dire des siècles. Il nous a été donné l'autorisation de le savoir, mais fait interdiction de repartir avec ces trésors de la pen- sée qui sont autant de fantômes conduisant à la jouissance spirituelle par l'accouplement du corps et de l'esprit.
La chimie des rêves est un mystère dont nos corps sont les tombeaux.


Une musique est aussi invisible qu'une odeur, elle se déplace, nous attire, elle est un fantôme jouant avec nos sens.
06/10/11

27/10/13

Mon ombre n'est-elle pas elle-même une cou- leur fantôme ?
07/03/15